L’ordonnance rendue par le Conseil d’Etat le 22 mars 2020 a été vue par beaucoup de commentateur comme une critique portée à la politique gouvernementale. Il est vrai que le juge des référés du Conseil d’Etat, statuant en formation collégiale, a enjoint au gouvernement de préciser ou d’expliciter certaines des dérogations au confinement, prévues dans le décret du 16 mars 2020, ce que ce dernier a fait par un décret pris dès le lendemain 23 mars 2020.
En même temps, par cette ordonnance le Conseil d’Etat en sa formation contentieuse a légitimé l’action du gouvernement, en affirmant la légalité des mesures de confinement, déjà prises dans le décret du 16 mars 2020 pris par le Premier Ministre et dans les arrêtés du 4 mars 2020 pris par le ministre de la Santé.
La question pouvait se poser du fondement légal de telles mesures et ce d’autant plus que la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a créé par la suite un régime d’état d’urgence sanitaire précisément pour permettre au gouvernement de prendre ces mesures (voir article 2 de la loi, insérant ce régime au chapitre Ier bis du code de santé publique).
Dans son avis consultatif du 18 mars 2020 sur le projet de loi du 23 mars, le Conseil d’Etat soulignait que cette compétence était fondée s’agissant du Premier Ministre sur deux fondements jurisprudentiels bien établis : la théorie des circonstances exceptionnelles accordant la possibilité de déroger à la loi en cas de circonstance exceptionnelles (CE, 1918, Heyries) et le pouvoir de police nationale du chef du gouvernement (CE, 1919, Labonne). La compétence du ministre de la santé résulte pour sa part des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique (voir point 15 de l’avis accessible sur le site du Conseil d’Etat).
Par cette ordonnance, le juge des référés confirme en droit cette analyse et saisit l’occasion pour rappeler que les préfets et les maires peuvent eux aussi sur les mêmes fondements des pouvoirs de police et des circonstances exceptionnelles prendre des mesures plus contraignantes sur leur territoire en cas de risques pour l’ordre public et compte-tenu du contexte local, rappelant ici sa jurisprudence Commune de Néris-les-Bains de 1902.
Se trouve ainsi confirmée la légalité des décrets et des arrêtés pris par les pouvoirs publics pour assurer le confinement en France ainsi que les différents arrêtés préfectoraux et municipaux.
La création d’un régime d’urgence sanitaire était-elle alors nécessaire ?
De même que la section consultative du Conseil d’Etat, il faut répondre positivement à cette question. La loi du 23 mars 2020 a permis de passer d’une régime jurisprudentiel casuistique à un régime général, transparent pour les administrés et qui a été soumis au contrôle de leurs élus.
La création de ce régime ne s’est pas accompagnée d’un amoindrissement des pouvoirs de l’Etat et de ses représentants (Premier Ministre, ministre de la Santé, préfet). Le Premier Ministre peut prendre toute mesure visant à garantir la sécurité publique (article L. 3131-15 du code de la santé publique), le ministre de la santé toute mesure relative à l’organisation et au fonctionnement de la santé (article L. 3131-16 du code de la santé publique) et le préfet peut prendre toutes les mesures nécessaires à l’application des mesures susmentionnées, y compris des mesures individuelles (article L. 3131-17 du code de la santé publique). Toutes ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.
La loi précise – bien que cette précision était inutile- que toutes ces mesures peuvent faire l’objet de référé suspension (article L. 521-1 du code de justice administrative) ou de référé liberté (article L521-2 du code de justice administrative).
Des procédures d’urgence sont d’ailleurs déjà initiées contre des mesures de confinement ou à l’inverse pour leur resserrement : de même que dans l’ordonnance du 22 mars 2020, le juge des référés sera conduit à s’interroger sur la suffisance des moyens de protection mis en place et notamment sur leur caractère proportionné et approprié aux circonstances.